Le Pensionnat Rose de Mlles d'Aubigny
A la suite de la mort de leur mère en avril 1838, Mlles Emilie et Mélanie
d’Aubigny (l’aînée âgée de 21 ans et sa cadette de 19 ans) résolurent
de se créer un emploi. Elles avaient également trois autres soeurs dont la
plus jeune n’avait que 4 ans et avaient promis à leur mère de les élever et ne
pas les quitter.
Elles se mirent donc en quête d’un local afin d’établir un pensionnat et
demandèrent un certificat aux Dames Religieuses du Sacré-Coeur où elles
avaient été élevées. Il leur fut donné par la Révérente Mère Grosier,
l’aînée obtenant ensuite un diplôme en septembre 1839. Le local fut trouvé
dans la rue des Hautes Treilles où se situait le pensionnat de Mlle Gilbert
qui n’avait plus d’élèves et prenait sa retraite.
Leur père, très impliqué dans la vie poitevine - il était, entre autre, organiste à
la cathédrale et avait été professeur au collège royal de Sens - leur procura
leurs premières élèves : Pauline de Guyon, Elisabeth de Cocal et Antoinette de
Villars.
De succès en succès, le pensionnat déménage : au 17 de la rue Théophraste
Renaudot tout d’abord, à Saint-Hilaire ensuite où l’abbé Pastre possède un
immeuble déjà occupé par un pensionnat dont le bail se termine, alors appelé le
Pensionnat bleu et tenu par les Dames Lameullière et Lacaze.
Mlle Louise d’Aubigny, dès qu’elle fut en âge de rejoindre ses soeurs dans
l’enseignement, en 1846, leur apporta son concours.
L’enseignement ne se limitait pas aux seules matières habituelles mais la confection de
robes et chapeaux, la réalisation de confitures y rejoignaient les sciences, les
mathématiques, l’histoire ou le français. En 1856, elles deviennent propriétaires des lieux.
La succession : Mlle Lavaïsse
En 1880, fatiguées de toutes ces années, Mlles d’Aubigny cèdent leur pensionnat
à Mlle Emilie Lavaïsse, dont la mère était la nièce du Maréchal Bessières et dont
le père, ancien procureur du Roi à Lyon, avait perdu toute sa fortune et à sa mort
laissait une veuve et quatre enfants.
Emilie Lavaïsse avait enseigné à Angoulême puis à Aigre avant de souhaiter
prendre la direction d’un établissement. Réputée d’une piété éclairée
et d’une intelligence supérieure alliées à une distinction étonnante,
elle choisira Louise d’Auzay, ainsi que sa soeur Marthe parmi ses anciennes
élèves pour lui succéder. Elles la rejoignent en 1888, cette expérience ne
dure que quelques mois, la directrice les souhaitant internes, alors
qu’elles désiraient continuer à remplir leur rôle d’aînées de la famille.
Mais, en 1897, Mlle Lavaïsse fait de nouveau appel à Louise d’Auzay, pour lui
confier cette fois le pensionnat rose.
Emilie Lavaïsse s’éteindra le 3 mai 1935, à l’âge de 93 ans.
Louise d’Auzay
Le 30 mai 1869 Louise d’Auzay naît à Chaumont, commune de Thurageau, dans la Vienne,
dans la maison familiale du grand-père, Martin de Veillechèze de la Mardière.
C’est la première naissance du foyer, mais elle est très fragile ; sa mère et une
nourrice ne peuvent la nourrir : il faudra l’aide d’une chèvre. Pour la fortifier,
elle ira à Royan où des soins lui sont prodigués ; ses parents demandent secours à
la vierge, en échange de quoi, Louise sera vouée au blanc jusqu’à l’âge de 7 ans.
Madame d’Auzay, sa mère, la fait travailler et Louise progresse rapidement. Elle
se passionne aussi pour l’Histoire Sainte et l'astrologie.
En 1879, toute la famille - elle est l’aînée de 6 enfants - quitte Chaumont pour
une grande maison à Poitiers, avec un vaste jardin dominant le Clain. Elle rejoint
le pensionnat de Mlles d’Aubigny bientôt remplacées par Mlle Lavaïsse.
A sa sortie des études, en 1888, elle est couverte de prix.
Elle rejoint donc Mlle Lavaïsse le temps de quelques mois avant de fonder son
propre cours privé, rue Sainte-Opportune. La réputation de l’institut et de sa
directrice est telle que l’établissement se révèle très vite trop petit. Un généreux
parrain permet l’acquisition de l’hôtel de Traversay, rue Berton.
En 1897, Mlle Lavaïsse la rappelle pour sa succession à la tête du Pensionnat
rose ; situé à l’ombre de l’église Saint-Hilaire il deviendra le Doyenné Saint-Hilaire.
A la fois directrice et professeur de littérature, d’histoire de sciences et de dessin,
les succès grandissants aux examens prouvent la valeur de son enseignement.
Ses soeurs la secondent dans les autres tâches du pensionnat.
Mlle Marthe s’occupe de l’économat, Mlle Henriette des petites classes et
sa passion pour la musique lui permet d’enseigner le piano ; Mlle Antoinette
apprend à lire aux débutantes tout en dirigeant le groupe des Enfants de Marie
et les relations avec les anciennes. Louise d’Auzay est de son époque en 1890 comme en 1930.
Elle est aussi présente et fidèle à sa famille à chaque fois que les durs événements
de la vie se font sentir. En 1912, le décès de son père survient ; la propriété de
Chaumont est mise en vente et sa mère s'installe rue de la Cesve, dans une villa
annexe de la pension.
Puis survient la guerre ; 150 blessés seront hébergés pendant huit jours. Le
pensionnat devient une annexe de l’hôpital voisin : les grandes salles d’études
sont pour les soldats, le grand dortoir devient salle d’études, des élèves venues
de l’Est rejoignent les plus anciennes. Louise fait face à tout : organise, console,
enseigne, s’occupe des élèves et de la famille.
.
En 1925, elle souhaite prendre un peu de recul et prendre plus de temps pour
sa mère, ses frères et soeurs encore en vie. Les Soeurs de Sainte-Clotilde, en la
personne de Mlle Bourgarel croisent sa route. Après trois années passées en
collaboration, Mlle Louise s’efface.
En 1927, une évocation du passé réunit les trois directrices : Mesdemoiselles d’Aubigny, Lavaïsse
et d’Auzay. Les uniformes des trois époques sont portés par des jeunes élèves et retracent
l’évolution au cours de toutes ces années. En 1932, Louise d’Auzay profite de cette semiliberté
pour voyager sur le chemin des maisons de Sainte-Clotilde.
Elle est toujours présente pour le centenaire du pensionnat le 7 juin 1938 où elle
reçoit la médaille d’argent du Mérite diocésain (elle en est la première titulaire),
ainsi que le titre d’Officier d’Académie par les autorités civiles.
Elle subira encore le décès de sa mère en 1939, puis la maladie de sa soeur Marthe,
dont elle sera l’infirmière toujours dévouée. En 1947, Marthe n’est plus.
Parmi le lot des peines, quelques joies cependant : celle de voir une de ses anciennes
élèves revenir comme religieuse au Doyenné puis comme supérieure : Mère Marie Saint-
Jean Vianney.
Elle perdra encore son frère, infirme, puis sa soeur Henriette ; c'est ensuite
Antoinette qui donne des signes d’inquiétude. Louise est alors trop faible et ne
s’en remet pas. Elle part à son tour le 10 juin 1967, à l’âge de 98 ans.