L'abbé Berthelot, né le 1er juin 1947, a passé son bac à Saint Joseph en 1964, en ayant eu
le père Yves BOUTIN et le chanoine Jean QUINTARD comme professeurs de mathématiques.
Leur spécialité : enseigner dans la bonne humeur, et c’est ainsi qu’ils lui ont donné un goût
immodéré des maths. Le chanoine QUINTARD surtout ne se départissait jamais de cette joie
contagieuse l’année durant, à la surprise générale des élèves.
Mais la joie permanente dans laquelle vivait le chanoine QUINTARD ne venait pas de la
matière enseignée, les mathématiques, cela venait d’ailleurs. Dans sa paroisse de Sainte
Bernadette lors de ses homélies, il ne pouvait parler sans rire et faire rire.
Jean Berthelot entre en Mathématiques-Physique à Poitiers, puis gagne Rome en Octobre 1965,
à la Grégorienne (3 ans) puis à l’Université Pontificale du Latran (4 ans).A peine obtenue
sa licence de théologie, il part au service militaire (1972-1973). Suite à une erreur
administrative qui le fait considérer comme déserteur, il se retrouve providentiellement
au camp semi-disciplinaire de la Braconne près d’Angoulême (donc près de chez lui), comme
maréchal… des logis. Il sera ordonné à Rome 11 ans après son départ de Saint Joseph, le 5 juillet 1975,
et nommé dans une paroisse de Gênes. Enfin après 40 ans, il retourne définitivement au pays.
Un des moments extraordinaires de savie est sa rencontre avec Padre Pio, Saint Pio de Pietrelcina,
comme nous pouvons l’appeler maintenant, qui toucha au plus profond de leurs âmes, des centaines
de milliers de fidèles, par sa manière de célébrer la messe, de les confesser et de soutenir
les brebis malades, blessées et accablées de misères cachées.
Voici son récit de cette rencontre, faite à notre demande.
Mon cher docteur,
Vous m’avez bien pris au dépourvu, l’autre jour en me demandant
d’écrire quelques mots sur Padre Pio (St Pio de Pietrelcina † 1968) pour
les anciens de St Jo. Forcé de pressurer mes pauvres neurones,
quelques souvenirs de cette époque déjà lointaine me sont revenus à la surface…
Je vous les livre, sans trop chercher à vous écrire un récit suivi
(St Luc, Prologue), je préfère rendre palpable, à toi ami lecteur et souvent
ancien camarade, l’incroyable impact que cette rencontre de 10 minutes a eu sur ma
vie depuis maintenant 40 ans.
C’était en 1968, dans les jours qui suivaient Pâques. Padre Pio, à la surprise de
tous, cette année-là, avait donné lui-même aux fidèles la Sainte Communion le Jeudi
Saint, ce qu’il ne faisait plus depuis longtemps, en raison de son état de santé.
Mon père spirituel, de son côté, m’avait dit d’aller me confesser à Padre Pio, il
s’était arrangé pour que j’ai de quoi y aller, et je m’étais donc retrouvé avec
plusieurs amis à San Giovanni Rotondo que l’intense présence de Padre Pio
transformait progressivement en une importante cité, avec le plus remarquable
hôpital d’Italie, la Casa Sollievo della Sofferenza, entièrement et aussi
miraculeusement construit avec les deniers qui se multipliaient sous les pas du
saint homme.
Quoique séminariste et donc quelque peu « privilégié » pour accéder au Padre, je dus
faire comme tout le monde, obtenir un billet du Padre Giacomo, où était imprimé un numéro
d’ordre de passage. Mon numéro devait friser les 200 et quelques, un rapide calcul me
donnait la scientifique certitude que j’en avais au moins pour 4 jours d’attente patiente
et priante, 4 ou 5 nuits d’hôtel aussi… Commencèrent donc ces 4 (ou plutôt 5) jours
d’attente interminable. Chaque matin, l’arrivée du Padre, à son corps défendant déplaçait
sur le passage de son fauteuil d’infirme des foules ferventes. Certaines pieuses âmes,
armées de petits ciseaux, s’approchaient subrepticement, échappant à la vigilance
des religieux qui l’entouraient, tel un rempart aux nombreuses brèches par lesquelles
ces combattants s’infiltraient et récupéraient des petits morceaux du tissu de sa pauvre
bure vite transformée en gruyère, malgré les coups de cordon que distribuait généreusement
Padre Pio pour modérer ces activités déchirantes.
Il ne nous restait dès lors qu’à rentrer dans l’église (pendant ce temps, de son
côté Padre Pio, arrivé à la sacristie, revêtait ses ornements) et à grimper à
l’étage d’où nous autres, petits privilégiés, nous avions une vue plongeante sur
l’autel, et donc sur celui qui allait y célébrer. Alors la Messe commençait. Mais
au fait, quelle heure était-il ? 4h30 environ, mes amis ! Ces quelques Messes d’un
vieil homme épuisé, assis devant l’autel parce que ses pieds transpercés ne le
soutenaient pas, ces Messes dites (c’était le seul moment) sans les mitaines qui
cachaient habituellement les mains mystérieusement blessées, c’était quelque chose
de prodigieux. Padre Pio célébrait, il était là, mais il était manifestement ailleurs,
il priait, voyez-vous, il priait, il était abîmé dans une Présence, celle du
Seigneur du Ciel et de la Terre, je ne crois pas qu’il voyait la foule des fidèles
qui le fixaient intensément ; pour un instant on comprenait mieux les vieux
enseignements qu’ânonnaient nos catéchismes, il était en voyage au Calvaire, voilà.
On n’en ressortait pas plus saints, mais au moins décidés à envisager nos vies dans
une autre lumière, celle, invisible, qui émanait du Padre et qui vous touchait au
plus intime.
Dans cet état d’esprit, c’était quelque chose de faire notre examen de conscience !
On le savait, Padre Pio voyait l’état de l’âme de son pénitent. Impossible de cacher
à l’homme de Dieu, tout comme à Dieu qui sait toute chose. On nous avait dit que le
Padre ne comprenait que l’italien, et qu’il était assez sourd… Bizarrement, au loin
dans le couloir où nous attendions notre tour, on entendait le Padre qui passait
à l’un une semonce dont il se souviendrait toute sa vie. D’autres confessions se passaient
dans un murmure à peine audible. Arrivé enfin à ses pieds après 5 jours, il écouta
ce que j’avais à lui dire dans mon italien laborieux (mais j’avais préparé cela, 5
jours, vous savez !) mêlé de latin. Il me demanda à un moment avec un regard transperçant
« l’hai gia detto ? » (tu l’as déjà dit ?) « Si, Padre », alors
il fit un geste de la main balayant l’espace qui disait clairement alors n’y reviens pas !.
Puis l’absolution, et la bénédiction d’un chapelet. Voilà, c’était fini. Depuis, je n’ai jamais
pu célébrer un baptême sans me sentir bouleversé jusqu’au tréfonds, le sacrement de
Réconciliation a gardé en moi une formidable importance pour les fidèles et pour moi,
la Messe n’a jamais été un moment d’ennui à passer le plus agréablement possible, mais…
je vais vous dire une drôle de chose, c’est pour moi chaque jour une opération de chirurgie cosmique,
un moment irremplaçable où le Ciel est en contact vivant avec la Terre, avec les
âmes abandonnées, avec les pauvres lointains ou prochains, avec les âmes qui ont
abandonné cette Réalité. Cette Réalité qui lance son Appel au coeur de chacun
pour l’ouvrir à la Vérité. Mon cher Padre Pio, prie pour nous de là haut, où tu
goûtes la récompense de tes douleurs acceptées avec tant de patience.